La crise du Covid-19 a souligné la nécessité de maintenir sur notre sol ou en Europe des capacités de production répondant à nos besoins. Pour cela, il faut mettre en place des politiques volontaristes de santé qui ne nuisent pas à la compétitivité des entreprises, écrivent les auteurs.
Publié le 2 juin 2020 à 14h28Mis à jour le 2 juin 2020 à 18h35
L’épidémie de Covid-19 a mis en lumière la forte dépendance des systèmes sanitaires de l’Europe vis-à-vis du reste du monde. Elle nous apprend que l’heure de notre souveraineté a sonné. Saurons-nous donner à l’Europe, et singulièrement à la France, les moyens de rester maîtres de leur destin en matière de santé ?
Les entreprises de santé françaises, pour leur part, sont pleinement conscientes de leur responsabilité, ainsi que des fortes contraintes financières qui pèsent sur les comptes sociaux. Depuis toujours, elles ont fait le choix exigeant et atypique, dans un secteur innovant et mondialisé, de maintenir sur le territoire national des capacités de production et de recherche. Elles sont réunies au sein du G5 Santé, think tank, dont l’objectif est de favoriser la R&D et la production en France et en Europe. En effet, l’absence de prise en compte des enjeux industriels par la politique de régulation du secteur menée depuis vingt ans, avec notamment des baisses de prix incompatibles avec les coûts de production européens, a entraîné une perte de compétitivité et fragilisé le tissu industriel comme les emplois.
Avec, à leur actif, 42.000 emplois et près des trois quarts de l’effort de recherche des secteurs du médicament et du diagnostic, les entreprises du G5 Santé constituent un atout majeur pour reconstruire l’indépendance sanitaire de la France et de l’Europe. Cette exigence réclame une politique volontariste globale allant bien au-delà de la gestion des pénuries et des stocks.
Pour réussir, pour restaurer une réelle souveraineté nationale, ces entreprises appellent à ne pas céder à la facilité des choix publics et privés des décennies précédentes qui ont conduit à trop s’éloigner des zones de consommation ou de besoins.
Demain, il faudra d’abord favoriser le maintien, le développement et la création de sites de R&D. Cette crise nous le rappelle, la recherche est l’ADN de notre secteur. Il sera indispensable de travailler de concert entre acteurs publics et privés pour développer la création de valeur commune dans le cadre du crédit d’impôt recherche, qui s’est avéré un outil particulièrement efficace.
Demain, il faudra une vraie ambition industrielle. Tous ensemble, pouvoirs publics et acteurs privés devront identifier les sites existants à soutenir, les failles sur l’ensemble du cycle de production, pour définir où l’implantation et la relocalisation doivent être encouragées, les pistes pour y arriver. Parmi celles-ci, la réduction des impôts de production, l’amélioration du cadre normatif, le soutien public renforcé à la modernisation de notre tissu industriel (transitions numérique et énergétique, innovation) sont incontournables.
Médicament : le déclin d’une production française en mal d’innovation
Demain, on ne pourra pas faire l’économie d’une refonte profonde de la politique de tarification et d’achats des solutions de santé. Le gouvernement doit prendre concrètement en compte les investissements réalisés, en France et en Europe, en R&D et en production, et favoriser aussi les entreprises qui font de la France leur plateforme de production pour l’export.
Cette stratégie ne pourra qu’être pilotée au plus haut niveau de l’Etat et devra s’appuyer sur un ministère de l’Industrie efficacement renforcé.
Dans un tel cadre, les entreprises du G5 Santé sont prêtes à s’engager. Elles réfléchissent, par exemple, à une modification profonde de tous leurs approvisionnements, afin de mettre en place, pour chaque produit, trois sources, dont au moins deux européennes. Ce sera long, complexe, difficile, car de nombreux produits ne sont plus fabriqués qu’en Asie. De gros investissements seront nécessaires. Mais c’est, là, une condition sine qua non pour reconstruire une filière de production européenne intégrée.
Les signataires : Alexandre Mérieux, président-directeur général de bioMérieux ; David Hale, directeur général de Guerbet ; Aymeric Le Chatelier, directeur général d’Ipsen ; Denis Delval, président-directeur général du LFB ; Eric Ducournau, directeur général du groupe Pierre Fabre ; Paul Hudson, directeur général de Sanofi ; Olivier Laureau, président de la Fondation internationale de recherche Servier et du groupe Servier ; Jean-Frédéric Chibret, président de Théa.